La « France du Bon Coin » ou le boom des plateformes en ligne – Les Echos Business
Les plateformes ligne démocratisent l’accès l’initiative économique.
Dans «La France du Bon Coin», étude de l’Institut de l’Entreprise parue en septembre dernier, David Menascé, enseignant à HEC, s’intéresse au boom des plateformes de mise en relation en ligne, qui a accompagné l’explosion du nombre des autoentrepreneurs et autres indépendants.
Avec 2,4 millions d’offres d’emploi par an en moyenne, Le Bon Coin représente le deuxième vivier d’annonces après Pôle Emploi et ses 4 millions d’offres. «La France du Bon Coin», titre d’une étude réalisée par David Menascé, consultant pour l’Institut de l’Entreprise, n’est donc pas un simple effet de style … Le Bon Coin est le symbole d’un phénomène de société : l’émergence de plateformes en ligne, qui facilitent la mise en relation entre des personnes ayant un produit ou un service à vendre et des clients. «Il faut distinguer les plateformes « places de marché » : je viens et je trouve de tout comme sur un marché ; des plateformes « opératrices », spécialisées dans un domaine», précise David Menascé. Concrètement, la « place de marché », c’est Le Bon Coin et ses millions d’annonces, de l’immobilier au jardinage. La plateforme « opératrice », c’est Uber et son service de chauffeurs qui concurrence les taxis. David Ménascé se concentre volontairement sur les travailleurs indépendants qui utilisent ces services, essentiellement autoentrepreneurs, parmi le million que compte la France.
Pour ces indépendants, les plateformes en ligne ont énormément facilité la recherche d’emploi. «Elles démocratisent l’accès à l’initiative économique» estime David Ménascé. Si Le Bon Coin truste la majeure partie des offres d’emplois, d’autres sites comme YoupiJob, J’ai Pas Envie, Je Me Propose ou encore FamiHero permettent aussi de publier des offres de jobs. A côté desquels on trouve des sites spécialisés sur un seul type de service, comme Tok Tok Tok, pour les petites livraisons, ou Hassle, pour le ménage. Pour David Ménascé, ces sites spécialisés sont une opportunité pour les indépendants puisqu’ils permettent de «plus facilement trouver des clients». Mais, c’est le revers de la médaille, les indépendants deviennent plus que dépendants des plateformes opératrices. Impossible, par exemple, pour un chauffeur Uber de fixer ses propres prix pour une course. Face à cela, les chauffeurs ripostent par une présence sur diverses plateformes pour multiplier leurs sources de revenu, comme Heetch, principal concurrent d’Uber.
Une majorité d’utilisateurs des plateformes « places de marché » n’en tire qu’un complément de revenu, surtout «ceux qui ont déjà un autre poste» résume David Ménascé, mais aussi les retraités, les chômeurs ou les étudiants. Un constat confirmé par les études sur les autoentrepreneurs : en 2014, 72% d’entre eux tiraient moins de la moitié de leur revenu de leur statut. Ceux dont la majorité du revenu provient des plateformes sont souvent les plus précaires. On compte parmi eux jusqu’à des sans-papiers qui profitent de l’absence de règles et de contrôle pour s’assurer un petit revenu. Pour eux, ces plateformes peuvent avoir un effet pervers, les prix y étant tirés vers le bas, et la possibilité de négociation faible. «Et ça n’est pas tout » souligne David Ménascé, «de facto, il y a un risque fort de dépendance économique, alors qu’il n’y a pas d’assurance-chômage pour le moment». Les auto-entrepreneurs ne bénéficient pas, en effet, d’une protection sociale.
Créer un statut hybride ?
Pour améliorer le fonctionnement du secteur, David Ménascé considère qu’il n’y a pas de « nécessité à réglementer ». Mais il préconise d’instaurer de « bonnes pratiques », sur le modèle de l’intérim. S’il n’enjoint pas à aller aussi loin que le secteur intérimaire, qui a mis en place depuis 2013 un CDI intérimaire, David Ménascé considère en revanche qu’il faut prendre exemple sur la manière dont le secteur de l’intérim s’est structuré. «Il faut réfléchir au dialogue social entre plateformes et micro-entrepreneurs», dit-il. « Comment l’entreprise entretient-elle des relations avec des personnes qui ne sont pas des salariés ?» David Ménascé s’interroge aussi sur l’opportunité de la création d’un statut hybride pour les travailleurs indépendants dépendants d’une plateforme, au moment où l’autoentrepreneuriat connaît un sursaut de réglementation (ouverture d’un compte bancaire dédié, obligation d’une immatriculation au registre des commerçants ou des artisans, de s’acquitter la taxe additionnelle à la cotisation foncière …). Si le rapport Combrexelle sur le droit du travail, remis en septembre, a posé les bases d’une plus grande négociation salariale au sein des entreprises, les parlementaires ne sont pas encore intéressés à son versant pour les indépendants.
Pour aller plus loin : La France du Bon Coin, le micro-entrepreneuriat à l’heure de l’économie collaborative, David Ménascé, Institut de l’entreprise, septembre 2015
Source : La « France du Bon Coin » ou le boom des plateformes en ligne – Les Echos Business